Harry Potter et Kierkegaard
Pilules de philosophie: Le miroir des ombres et la philosophie de Kierkegaard
Le jeune Harry se trouve à Poudlard (Hogwarts) pour son premier noël sans les Dursley, mais avec sa vraie famille: son ami Ron et les autres jeunes mages. Jamais Harry n’aurait pensé recevoir des cadeaux à part des vêtements usagés de Dudly, mais entre le pull-over de madame Weasley et les choco-grenouilles, il trouve un manteau… pour devenir invisible. Avec la seule précaution de l’utiliser de manière intelligente, il commencera avec ses petites sorties, où il va découvrir le fameux Miroir des Ombres (Mirror of Erised), avec l’inscription -en anglais- « Erised stra ehru oyt ube cafru oyt on wohsI » que, en le lisant à l'envers et en le traduisant, ça devient « je ne montre pas ton visage mais tes désires ». L'intrépide magicien est trop focalisé par la vision de ses parents -morts par le redoutable Lord Voldemort-.
Soren Kierkegaard est un philosophe danois du XIX siècle, un des fondateur du courant philosophique existentialiste (dont feront partie Sartre, Camus, et bien d’autres…), qui, dans ses récits, propose une réalité divisée en trois sphères : la sphère esthétique, étique et la religieuse. La sphère esthétique est la modalité de base de l’existence, ce qui est commun à tous, et se caractérise par un principe hédoniste -la recherche du plaisir comme but dans la vie-. La sphère éthique, au contraire de celle de la première, se distingue par la liberté de trouver son propre soi; mais, le passage de la première à la deuxième nécessite un engagement qui ne repose plus sur un « je » mais sur un « vous ». À la dernière sphère on y arrive par le désespoir causé par l’introspection sous-laquelle il faut se soumettre dans la sphère esthétique. Cette sphère est marquée par la foi.
En revenant à notre magicien on apprend par les sages mots du directeur, Albus Dumbledore, que le miroir nous fait voir ce qu’on aspire, nos désirs les plus profonds, ce qui fait partie de la première sphère de Kierkegaard. Le but n’est donc pas de se débarrasser du miroir mais de le dépasser, en accédant ainsi à la sphère de l’éthique. Si Harry n’avait pas cherché de l’aide du directeur, pour arrêter de penser au miroir il serait entré dans un monde de servitude, gouverné par les désirs et par des choses éphémères. Le miroir suspend le futur pour un présent. La seule façon de dépasser le miroir est de prendre des responsabilités pour la communauté en omettant ses propres volontés. Cette théorie se traduit par la recherche d’Harry à éviter que le puissant Voldemort, dans la peau du professeur Raptor, entrât en possession de la pierre philosophale. Seulement en voulant la pierre –non pas pour l’utiliser- on aurait été capable de la prendre.
Il ne nous reste qu’à comprendre quel est notre miroir et comment le dépasser…
Et si les rêves n’étaient pas que des rêves et la réalité n'était pas que la réalité?
Pilules de réflexion: la réalité en Inception
Vous avez lu le titre et vous êtes en train de commencer à lire cet article. Tout ce que vous avez autour de vous semble être réel: la personne avec laquelle vous avez parlé ce matin était réelle, l'écran d’où vous lisez est réel, vous êtes réels. Ou non? Et si tout cela n'était qu’un rêve?
Toutes ces questions ont été élaborées et traduites dans le film Inception, produit et dirigé par le légendaire Christopher Nolan -réalisateur des chefs d’œuvres tels que Memento, Batman Begins et The Dark Knight-. Dans ce captivant thriller, Monsieur Cobb (interprété par un magnifique Leonardo DiCaprio) est un expert ‘extracteur’, une sorte de voleur d’informations qu’on garde dans les méandres les plus profonds de notre subconscient. On y accède par une technologie développée par l'armée américaine qui donne la possibilité de faire des ‘rêves partagés’: rêves dans lesquels plusieurs personnes peuvent entrer en partageant la même structure et architecture de celui-ci. Ils sont si réels que discerner entre réalité et rêve devient impossible, ou presque.
Clairement, après avoir vu les 2:28 heures de film -la même durée que la chanson de Edith Piaf qui est utilisée dans le film pour sortir d’un rêve dans le rêve, hasard?- on se demande qu'est-ce que la réalité; et si toute la quête pour l’inception de l’information qui sert à Monsieur Saito (Ken Watanabe) pour dissoudre l’empire de son concurrent économique ne soit qu’un rêve lui-même.
La problématique abordée par le film fait partie des branches de la philosophie nommées métaphysique, dans d’autres mots ‘l’étude de qu’est-ce-que la réalité’, et ontologie, ‘qu’est-ce-que l’étant et tout ce qui existe’.
Mais est-ce-que la réalité est une question à laquelle les hommes ont toujours cherché à répondre. L’un des premiers a été le philosophe grec Épicure dans sa théorie des images des choses. Une idéologie similaire a été adoptée par le fameux Platon qui va exposer la dichotomie entre le monde des idées et le monde des choses, qui ne sont que des copies des idées. On peut donc comprendre qu’il existe une sorte de hiérarchie entre les réalités. Toutefois le problème a été vraiment décelé par le philosophe français René Descartes, un des plus brillants esprits de son époque. Face à ce problème -en simplifiant- le philosophe propose de douter de tout et de ne prendre rien pour vrai, car les perceptions peuvent fausser notre perception du réel. Clairement pour accomplir cette tâche il faut être conscient de douter et donc d’exister. Cette intelligente intuition est normalement connue avec la formule latine cogito ergo sum, je pense donc j’existe.
Mais, malheureusement cette formule ne semble pas fonctionner pour Maud (dans le film l’épouse de Cobb) qui est entrée dans un état de doute absolue, en ayant perdu la conscience de ce qui semble être la réalité et ce qui pourrait être un rêve.
La problématique de ce qu’est la réalité et de comment la différencier, si on veut faire une différence (on pourrait dire que la réalité est seulement celle dans laquelle on perçoit -même si on est dans un rêve ou attaché à un machine comme dans The Matrix-) reste ouverte et le film ne semble pas vouloir donner une réponse, après tout la toupie va-t-elle tomber ou non?
Article de Ludovico Conti
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