Xavier Bélanger, trader normand au chômage, de trente deux ans, deux fois divorcé, marié avec Marie Anges, avec une fille en commun, a disparu du domicile où il habitait avec sa famille depuis il y a déjà quatre mois. Un matin, il est sorti de son appartement en direction de la poubelle en face de l’immeuble et il n’est jamais rentré. Personne ne l’a vu sortir. Personne ne l’a vu revenir. C’est vrai qu’il était un homme très discret, après tout. Il n’était pas la personne la plus sociable, comme on pu le déclarer les voisins lors des derniers témoignages recueillis. “Il était comme un fantôme”, a déclaré le voisin du premier. “ C’était un vrai connard!”, a dit la voisine du troisième, indignée car il ne se retournait jamais pour lui dire un “Bonjour” ou pour un simple “Ça va?”.
Marie Anges Allard, femme de Xavier, exprime son désespoir: “On ne peut pas continuer à vivre comme si rien ne s’était passé! On est vraiment choqués”.
La rumeur dit qu’il y avait quelques frictions entre eux. “Comme dans tous les couples!”, a commenté la voisine du dessus. “ On aurait même dit qu’ils s’aimaient beaucoup”, avait remarqué la présidente de la communauté.
Au moment de la disparition de Xavier, sa femme continuait à travailler comme médecin à l’hôpital de Saint-Denis. Elle poursuivait ses promenades habituelles autour du quartier avec Emilie, sa fille de quatre ans, et sa participation active dans l'association de voisins du XXème, où elle était très appréciée de tous. Elle semblait crédible: “Vous pensez qu’une femme pourrait se débarrasser de son mari? Ne croyez-vous pas avoir regardé trop de films?”
On sait tous que le vrai problème de Xavier n’était pas les disputes conjugales que les voisins pouvaient entendre à travers le patio commun. La tragédie réelle de Bélanger était, maintenant et toujours, son addiction irréparable à la cocaïne, qu’il cachait depuis longtemps et qu’il se sentait incapable de surmonter. Cette dépendance le poursuivait comme un mauvais rêve depuis ses années folles où la drogue et l’alcool étaient les tickets pour accéder au paradis et se trouvaient à chaque coin de la rue. Certes que le bon vieux temps était passé depuis si longtemps, mais il avait laissé sur son passage plein de dégâts, surtout sur ceux qui l’avait vécu à pleine dents. Dégâts qui étaient encore perceptibles chez ceux qui avaient parvenu à survivre. “Ça ne m’étonnerait pas qu’il s'est mis à boire une nouvelle fois, le pauvre type…”, confie Alice, l’ex de Xavier.
Le mystère de la disparition du chômeur drogué persiste encore. Il est vivant.
La maison de Marie Anges est maintenant plus propre que jamais; blanche comme la neige, même le frigo est plein à craquer; aucun signe de canettes de bière ni de bouteilles de Coca comme antan, et tant mieux, ainsi elle avait espace suffisant pour ranger ses courses
Désormais, il n’y a plus de frites de McDO éparpillées sur le canapé, ni plus de chaussettes dans tous les coins, ni plus de poils de sa barbe dans l’évier. D’ailleurs, il y a moins de fringues à laver et de plats à frotter. La télécommande est pour elle seule, lui permettant de zapper sans arrêt et de voir sans remords les films de jeunesse qu’elle aimait tant. Elle peut s’allonger dans le lit matrimoniale à son gré… Des petits plaisirs que la vie lui offrait à nouveau…! Elle le sentait trop grand ce lit, quand même.
Maintenant qu’elle a plus de temps libre, elle s’est mise à travailler à plein temps, ce qui lui a permis de recruter une femme de ménage, comme elle avait toujours voulu. “Enfin!”, s’est-elle dit à elle-même. La nouvelle domestique s’occupait de tout: des fenêtres aux sols, en passant par la salle de bains, la lessive et la poussière. Il n’y avait aucune chose qui ne lui échappait, sauf une. Maria Anges lui avait mentionné à son premier jour de boulot qu’elle s'occuperait de cette tâche. “Ne vous inquiétez pas, Pauline”, lui avait-elle dit. “De la poubelle, je m’en charge”.
Alba Rodriguez Valbuena
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