Sans travail, sans amis ni famille. C'est drôle comment il se concentre sur le souvenir de son ancien travail, au lieu d'un toit pour survivre dans les rues. Il n'a rien à perdre, c'est vrai. Il a pris de mauvaises décisions, est-il un bon à rien, ou c’est simplement qu'il n'a pas de chance? Il se sent vaincu, c'est parce qu'il préfère se souvenir du temps où il avait son travail à Paris. il se souvient de toutes les petites choses, comme la quantité ridicule de stylos, que le label lui avait donnés, il se souvient de sa vieille chaise haineuse qui grince, et il se souvient aussi de comment cela lui faisait mal au dos, mais tout cela lui manque quand même. Les enfants merdeux qui jouaient en face de son bureau commencent même à lui manquer. Il commence à se demander si de telles choses comme le karma ou une malédiction d’un artiste de rock en colère existent contre lui. Il arrive à la conclusion que c’est plutôt le destin. Et pourquoi pas le destin? A la fin de la journée, tout ce bordel reste le même, ce sont des excuses pour ne pas assumer sa responsabilité.
Le destin est une chienne en effet, et pour la première fois il n'aime pas une chienne, d'ailleurs en parlant de chiennes il a commencé à penser à sa secrétaire, aux chanteurs gâtés de Paris, putain, même à sa belle mère, ce qui lui a causé un petit fou rire.
C'est drôle comme le fait de ne rien 'avoir ou de n’avoir personne a amélioré sa vie, car désormais il n'aime plus appeler les femmes “chiennes”, puisque c'était Marie-Ange qui lui avait appris à valoriser une femme et à mettre d'un côté , au moins pour une seconde, leur sexualité. Il ne cesse de se souvenir, il se souvient comment elle lui faisait nettoyer les sols, suivi des listes de choses à faire et comment elle l’avait jugé et insulté sans censure. "C'est comme un muscle" se dit-il, ça doit faire mal pour qu'il grandisse, en fait, à long terme toute douleur est bonne, et maintenant il en est sûr.
Il ressemble à un zombie, mais celui qui dort, parce qu'il ne fait que rêvasser. C’est plutôt rêvasser sur le passé pour essayer d’y rester. Parce que, qui ne voudrait pas rester à cette époque? Où vous aviez tout, tout fait et tout vu. Cela vous fait vous demander s'il y a autre chose à faire ou continuer à vivre; pour quel but?. Il n’y a plus de raison de vivre, c'est simple, même un taré comme lui pourrait s’en rendre compte.
Maintenant, il lui semble que ce qu'il faut faire c’est d’attendre, ou comme il est habitué, préférablement s'endormir, parce que lorsque tu dors le temps passe plus vite et alors il ne devra pas attendre autant de temps, et soyons honnêtes il est plus facile de rêver que de rêvasser. Il n'a pas pu y parvenir; l'homme ne peut que monter la pyramide sociale une fois et une seule fois.
Aussi parce que son corps n'est plus le même qu'à cette époque; son époque.
On dirait qu'il a froid, très froid, il arrive à son pont préféré, celui qu’il a l'habitude d'appeler son foyer, celui qui est en face de son ancien bureau, le même oú il y a les enfants merdeux. Il dit qu'il veut faire une sieste, c'est-à-dire qu’il veut se réveiller, mais comme il l’a dit tout à l'heure le destin est un gros mot, il est prêt à rêver aux meilleurs époques, peut-être que s’il crève en dormant il pourra rêver pour toujours? A la fin, c'était ça ce qu'il voulait.
Christopher Andres Gross
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