Le vendredi soir est comme tous les autres en novembre. Le vent frais souffle à travers les boulevards infinis avec les arbres nus, sans vert, debout comme des soldats disciplinés. Tout paraît normal. L’odorat de la pollution est là, les personnes fumant sont là et les cafés bondés sont également là. Comme d’habitude.
Vernon Subutex a dormi dans le 11ème arrondissement de Paris cette nuit dans une petite ruelle. Il a mendié toute la journée pour acheter son seul repas d’aujourd’hui. Pendant la journée il a marché d’une rue à l’autre pour trouver les endroits les plus peuplés possible, puisque les personnes sont égales à des revenus pour lui. Habiter dans la rue est dur pour tout le monde, et Vernon n’est pas du tout une exception. C’est peut être plus dur pour lui parce qu’il connaissait la vie de rêve. Quand Vernon voit des personnes jeunes qui ont le temps de leurs vies, il revit tout son passé en désirant de le récupérer. Désormais il sait qu’il vit dans la rue, c’est la vérité lourde à avaler.
13 Novembre, ce vendredi soir il a assez d’argent pour aller boire une verre dans un café, rue de la Fontaine-au-Roi. Il ne fait pas beaucoup de choses ‘luxueuses’ comme ça, car il a besoin de la nourriture primordiale plus qu’une bière à 8 euros le verre. Mais aujourd’hui, c'est un jour pour son bonheur donc il boit de l’alcool en fumant une clope.
Il est 21h et quelques bières plus tard quand Vernon se sent tranquille et pense qu'il est revenu à l'époque du sexe, de la drogue et du rock and roll. Le meilleur temps de sa vie se rejoue après le 5eme cul sec et reste dans sa tête pendant sa gueule de bois. L'employé du café coupe son utilisation d'alcool pour une certaine période pour se retourner vers la vie réelle, et pas la vie perdue des années 90.
30 Minutes plus tard il revient à sa vie de merde en sortant du café pour trouver un endroit qualifiant, pour y dormir et survivre les nuits froides de novembre.
À 21 h 32 il se situe sur la terrasse du café prêt à se bouger vers son lit externe avec la luxueuse vue des étoiles brillantes. Au même moment, alors qu’il quitte l’endroit et marche sur le trottoir il sent l'air passer à travers sa jambe. Il entend des bruits stridents qui se déchirent dans des corps vivants. derrière lui. Les unes après les autres, sans arrêt comme un pic-vert travaillant toute la journée, avec une vitesse gagnant à celle de la vitesse du son. En 30 secondes le lieu est passé d’un endroit paisible à une scène de guerre. Subutex se jète sur le trottoir froid en couvrant sa tête. 30 secondes, pas plus, pas moins. Les tirs s'arrêtent et Vernon entend une voiture dérapant avec une vitesse inimaginable. Le silence total descend sur le lieu. Le silence de l’angoisse, le silence du désespoir et le silence de la mort avalent l’endroit. Ce ‘rien’ ne dure qu’un millième de secondes.
Après suivent les cris hurlants, qui se coupent dans les os de Vernon, lui donnant une chair de poule pour toute l’éternité. Les cris des couples, des grands-pères, des mères, des enfants volent à travers le 11eme arrondissement. Des cris qui sont traumatisants pour chaque personne. Pas d’autres sons, juste le son de la perte, le son de l’amour déchiré prend sa place dans le quartier.
Vernon prend son courage à deux mains pour relever la tête. L’horreur. Les tables renversées, les vitres brisées en mille morceaux par les balles, le sang coulant dans la gouttière. Les corps sont immobiles comme des objets sur le trottoir. Les visages des survivants sont vides, comme si un feu dedans était éteint. Il se sent froid comme les corps sans sang, exécuté sur la pavé devant leurs familles. Il se sent paralysé comme les corps qui ont trouvé la mort depuis une minute, avant si vivant. Il se sent abattu comme des personnes dont leurs larmes coulent sur les fronts gelés de leurs aimés.
Il ne sait pas quoi faire, il est cloué sur le trottoir, impossible de bouger, une respiration asthmatique. Quelques minutes passent mais la douleur devient encore plus profonde, les personnes savent que leurs familles ne reviendront jamais, que le corps est la dernière chose qui reste sur le pavé, l’autre partie de la personne est déjà partie, sans dire au revoir.
Les sirènes s’approchent vers le set d’un film d'horreur. Les lumières bleues deviennent de plus en plus fortes en aveuglant les personnes désespérées. Le silence total n’est plus là, il vient de passer à une atmosphère chaotique. Pour certains, ce silence ne ne reviendra jamais, les cris sont brûlés dans les cerveaux pour toute leur vie.
Tout devient flou, la panique prend la place dans le corps de Vernon. Il n’a plus la force de le bouger. Sa vue coupe. Noir.
Il ouvre les yeux encore une fois, il est au même endroit, visage tourné vers le ciel. Il bouge mais il est couché. Poussé vers une ambulance sur un brancard. Il voit le matelas, le sang s'écoule vers le sol, en réalisant qu’il était la première personne mitraillée.
Vernon ne retrouvera plus jamais la paix mentale. Les images restent, les sons ne diminuent jamais et l’odorat du sang est bloqué dans son nez jusqu’au jour de sa propre mort.
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