Giorgio De Chirico est l’un des plus importants peintres de la première moitié du XIXeme siècle italien ; ses œuvres, parfois très difficiles à l’interprétation, expriment la peur et les incertitudes de l’Italie qui vit deux guerres et la dictature. De Chirico devient vite connu dans le milieu artistique italien quand, après quelques années à Paris , il retourne en Italie où il fonde le mouvement de la « Peinture Métaphysique », caractérisé par des perspectives très rigoureuses et des figures parfois aussi spectrales.
Les personnages les plus emblématiques de ce mouvement sont les mannequins : "le troubadour" est un exemple. Dans ce tableau le mannequin est la figure plus grande et elle est au centre du premier plan. C’est un mannequin en bois, mais avec la forme d’une armature du Moyen Age. Les couleurs ne sont pas très fortes ou acides, mais calmes et chaudes. La tête du mannequin est prise par la lumière seulement pour trois quarts. Au deuxième plan il y a deux bâtiments en position spéculaire ; le bâtiment de droite est beige clair, le bâtiment de gauche est rouge et c’est peut-être un château. A’ l’arrière-plan le ciel est obscure, mais à l’horizon le soleil brille des derniers rayons (si c’est un couché) où premiers (si c’est une aube) . Il y a des ombres spectrales par terre : on ne voit pas ce qui cause la première ombre dans l’angle en bas à gauche.
Le protagoniste du tableau, le mannequin, donne le titre a l’œuvre. C’est un troubadour, le premier poète de la littérature du moyen âge, et il est sans visage, donc sans identité. Il vit dans une ville de seules ombres, il n’y a personne qui écoute sa poésie. Les couleurs sont éteintes, parce que l’art et la poésie -à l’époque de De Chirico- n’ont pas le rôle de guide qu’ils avaient au Moyen Âge, quand les artistes étaient la voix du peuple (les poèmes épiques sont un exemple). Ce tableau représente donc, le problème du rôle de l’art et de l’artiste dans l’histoire et dans la société: l’artiste devrait guider la société, mais il ne peut pas parce que l’art, à cause des guerres, censures, ignorance, a perdu sa force communicative. C'est la raison pour laquelle le tableau est spectral: il n’y a pas d’espoir pour un monde guidé par l’art, un monde sans guerres et horreurs.
C'est aussi la raison pour laquelle le tableau est à la fin de l’exposition du musée de l’Orangerie: ça veut dire qu'on a fait “art” toujours pendant les siècles, mais après les horreurs du XXeme siècle l’art ne peut plus réellement porter à un monde sans aspirations de pouvoir politique et économique, un monde de paix. C'est un message vraiment fort et amer, et ainsi Le Troubadour -tableau magistralement exécuté par De Chirico- enserre complètement la condition des intellectuels et artistes italiens dans la première moitié du XXème , intellectuels et artistes avec un rêve évanoui d’un monde d’horreurs.
Le musée de l’Orangerie en effet conte l’histoire de l’amère condition des artistes, qui ont perdu leur rôle. Le musée commence avec les magiques Nymphéas de Manet, l'exposition continue avec les magnifiques toiles de l'impressionnisme et du post-impressionnisme. En effet après le XIX siècle (siècle de l'impressionnisme) l’artiste est dans son rôle.
Personnellement j’ai choisi de commenter cette toile parce que la condition des intellectuels et artistes (surtout italiens) n’a pas changé: ils sont souvent loin des réels problèmes de la société, et la société, par contre, ils les ignorent.
Article de Laura Nardulli (Italie)
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